Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     PAIN     
FEW VII panis
PAIN, subst. masc.
 
 

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À l'enfourner fait-on les pains + adj. V. enfourner

 

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De tel pain soupe : Après ce fait Devers Amours Loiauté se retrait, Et dist einsi, que riens n'eüst meffait, Se d'autel pain li eüst soupe fait. "N'il n'est raisons Pour ce, s'il est vrais, loiaus et preudons, Qu'il soit de ceuls qui batent les buissons Dont li autre prennent les oisillons..." (MACH., J. R. Beh., c.1340, 125). Mais aux maris en est la coulpe, Et s'elles leur faisoient souppe D'autel pain, cause y averoient, Mais a nul fuer ne le feroient (DESCH., M.M., c.1385-1403, 291). A trompeur trompeur et demi ; Tel qu'on seme couvient cuillir ; Se mestier voy partout courir, Chascun y joue et moy aussi. Dy je bien de ce que je dy ? De tel pain souppe fault servir, A trompeur trompeur et demi ; Tel qu'on seme couvient cueillir. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 383). Souvent tu as fait ton effort A moy abbatre ma maison, Pillé mes biens, moy mettre a mort Par engin et pâr traïson ; Car est venue la saison Quë a ton tort et par ta coulpe Tu as eü de tel pain souppe. (Compl. Dinant T., 1466, 32).

 

Rem. Morawski 869 : Il estuet avoir du pain a qui veult faire souppes ; Hassell 188, P7 ; DI STEF. 627c, pain.

 

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De tout s'avise à qui pain manque. "Celui qui a faim réfléchit à tous les moyens de se procurer de la nourriture" : Je suis tresbien assis a table, Mais j'ay tresgrant faulte de pain, Qui n'est pas chose proffitable, Principalment quant on a faim ; Mais que j'aye le ventre plain De fruite ou d'herbes ne m'en chault ; Mengier couvient, il est certain : De tout s'avise a qui pain fault. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 7).

 

Rem. Hassell 188, P8.

 

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Faim fait sembler bon le pain V. faim

 

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[Sentence évangélique] L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui procede de Dieu : Et le temptateur vint et dit : si tu es filz de Dieu di que ces pierres soient faictes pain. Lequel respondit et dit : il est escript : L'omme ne vit pas seulement de seul pain mais de toute parole qui procede de la bouche de Dieu. (GERS., 1403, Oeuvres complètes G., 917).

 

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Fou est qui quiert meilleur pain que de froment V. fou

 

Rem. Morawski 773 : Fous est qui queurt a meillor pain que de forment,

 

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Il doit bien mourir de faim celui qui n'ose demander du pain à celui qui peut en donner V. faim

 

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Il vaut mieux vivre sans pain que sans justice : Il devroit souvenir aux patrons du proverbe des vieilles des Sarrazins qui dient ainsi communement, Il vault mieulx vivre sans pain que sans justice. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 589).

 

Rem. Hassell 251, V130.

 

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Le pain au fou est le premier mangé : M'a dessaisi du miex de ma chevance Par doulz regart qui va maint cuer emblant Où fausseté s'embat par decevance Avec biauté qui est de s'aliance Dont povreté m'a fait donner congé. Le pain au fol est le premier meingé. (MACH., App., 1377, 644).

 

Rem. Morawski 1044 : Le pain au fol mengue on avant ; Hassell 189, P16.

 

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Maint par follement donner sont venus au pain demander V. donner

 

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Mieux vaut noir pain fraindre et manger qu'étrange blanc querre à danger. "Il vaut mieux rompre et manger du pain noir que de chercher à avoir du pain blanc à volonté (ou en courant des risques) ; il vaut mieux vivre de privations en amour que de satisfaire ses désirs librement (ou en courant des risques de perdre son amour") : Long demourer amy changier Fait plusieurs fois et estrangier Mais le bon cuer envis l'estrange : Mieulx vault noir pain frandre et mengier Qu'estrange blancq querre a dangier. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 275). [Pour la compréhension du contexte, pour la traduction, cf. M. Plouzeau, R. Lang. rom. 94, 1990, 148-149]

 

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[Sentence] Mieux vaut le petit morceau de pain sec dans la joie et la paix que la maison pleine de richesses dans les querelles et les disputes : Au propos dessus dit de ce qui s'ensuit du fait de convoitise, dist Salemon en ses Proverbes cy dessus allegué, que mieulx vault la petite piece de pain seiche à joye et paix que la maison plaine de richesses à noise et contens. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 152).

 

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N'avoir qu'un pain au four. "N'avoir plus longtemps à vivre" : ...que pourray je dire de ceulx (...) qui sont viés et anciens, plains d'ans et de jours mauvais, qui sont ja sur leur fosse, qui n'ont comme on seult dire que ung pain au four, et neantmoins ilz ne veullent penser ne considerer a leut fin qui tant approche, a la mort qui les tient et suit de sy pres (GERS., Cendres G., c.1402, 583).

 

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On s'ennuie d'un pain manger. "On se lasse de toujours faire la même chose, de toujours voir la même personne..." : Ou soit au champs ou en chambre ou en lit, Estrange femme veult chascun à li traire, Soit vielle ou jeune, d'estat grant ou petit : Estrange dame ne puet à nulz desplaire ; Mais de privée se veult chascun retraire : D'un pain mangier se puet l'en ennuier, Ce dient ceulz qui femme ont en grenier. (MACH., App., 1377, 643). Les dames qui es hours estoyent les unes estoyent joyeuses et les autres courroucees tant pour leurs mariz freres et amis qu'elles y avoyent. Telle y vey son mary, qui bien eust voulu que jamais de la ne feust parti afin de renouveler. Car on dist communement que tousjours manger dun [l. d'un] pain ennuye. (Gil. Tras. W., c.1450, 92). Car on dit communement que on s'ennuye d'un pain mangier. (BUEIL, I, 1461-1466, 48). ...ung Foullon de Angleterre fust marié à une assez belle femme ; toute foys on se ennuye de ung pain manger. (TARDIF, Facéties Pogge D.H.-P., c.1490, 284).

 

Rem. Hassell 188, P9 ; DI STEF. 630a, pain.

 

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On se tanne bien de pain blanc. "On finit par se lasser même des bonnes choses" : On se tenne bien de blanc pain (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 197). L'HOMME MONDAIN. ...Parlons du temps passé joyeux Et des faitz d'amours, je t'en prie [le religieux], sans tant souvent parler des cieulx : De menger pain blanc l'on s'ennuye. (ALECIS, Déb. omme mond. P.P., c.1500, 153).

 

Rem. Morawski 620 : D'un pain mengier se tenne len.

 

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Pain sec, en paix, a grant saveur : Le povre menguë sa torte, Ses aux, [ses] oingnons sans cremeur. Paix sec, en paix, a grant saveur. (GAGUIN, Passe temps oisiv. T., 1489, 198).

 

Rem. DI STEF. 630a, pain.

 

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Qui se veut de tout venger, son pain ne peut en paix manger V. venger

 

Rem. Hassell 244, V22.

 

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Si on n'avait pas la pâte on ne feroit jamais le pain. "Pour fabriquer qqc. il faut des matériaux ; ici, pour raconter une histoire il faut la matière complète" : Chius qui l'istoire fist Godefroi le baron, I oublia à mètre tout le mellieur coron ; Mais chascuns si n'a mie chens et avision. Des matères enquère ne tien pais à fachon : Jamais qui n'aroit la paste le pain ne feroit-on ; Né tarte sans estoffe ne vaut mie .I. bouton. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 305).

 

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Tel a peu de blé qui a assez pain cuit V. blé

 

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Tel pain mange-t-on qu'on enfourna. "On récolte ce qu'on a semé" : Povre temps passé pleure et plaint, Pleure sepmaines et pleure ans Qu'il a gasté et se complaint Que Mort ne clot ses yeux plourans Et het les jours mal coullourans Esquelz fait mollin ne four n'a : Tel pain menge on qu'on enfourna. (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 144).

 

Rem. DI STEF. 628b, pain; Cf. aussi Morawski 322 : Ce n'est mengier qie pain prendre, 517 : De maintes se pourpense qui pain n'a, 618 : Dou pain à mon compere grant piece à mon filluel, 732 : Femme deshontee met son pain ou four, 773 : Fous est qui queurt a meillor pain que de forment, 869 : Il estuet avoir du pain a qui veult faire souppes, 896 : Il n'aura ja pou pain qui le brise, 1025 : Là où le pain fault tout est en vente, 1101 : Le pain est bon pour la faim, 1231 : Met pain à dent, si te vendra tallent, 1276 : Meauz vaut peins en met que escuz en paroi, 1391 : Ne vieigne demain s'il n'aporte son pain1576 : Pains chauz n'a que trois quartiers et li durs en a quatre, 1577 : Pains criez ne crieve ventre, 1578 : Pain et vin est la viande au pelertin, 1770 : Quelque pain, nule fain, 1813 : Qui a pain et bourras s'i trouve assez soulaz, 2060 : Qui pain a et santé riches est si nel set, 2082 : Qui plus beiche mains a du pain, 2109 : Qui quiert son pain ne leist mie, 2457 : Use de ton pain, tu seras frans, 2492 : Vistes piez et vistes mains ferent le pain des averes mains.
 

Lexique de proverbes Pierre Cromer


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